Présentée comme un mode de transport écologique, la trottinette électrique paraît attractive mais l’est-elle vraiment au regard de l’environnement social, économique et écologique ?
1) Bilan carbone
La société Arcadis a mené une étude en 2019 (1) qui analyse le cycle de vie de la trottinette électrique et affirme que « son utilisation, dans son mode d’exploitation actuel et sans plus d’encadrement par les pouvoirs publics, dégrade le bilan carbone des villes ».
105 grammes d’équivalent CO2 au km par passager (Le transport par mer correspond à une empreinte carbone de 60,5 g d’équivalent CO2 par personne et par km parcouru auxquels s’ajoutent 2,5 g émis lors de son importation). Bilan équivalent à une voiture transportant trois passagers (111 gCO2eq/km, Ademe).
Une étude (2) montre que cet engin a alourdi le bilan carbone de Paris de 13 000 tonnes en un an. On l’utilise assez peu à la place de la voiture d’où un mauvais classement (7% remplaçaient un trajet en voiture par la trottinette, les deux tiers utilisaient le métro avant et un quart le vélo ou la marche à pied).
Ce constat est évidemment très peu compatible avec les recommandations de santé publique (3).
L’impact de la fabrication est dû à une faible durée de vie (3 750 km avant mise au rebut) pour un important processus de fabrication et l’utilisation de nombreux métaux (4).
Les émissions liées à la gestion des flottes de trottinettes sont très élevées (tournées, véhicules de ramassage, localisation des entrepôts, passage aux batteries amovibles).
Notons aussi la précarité de l’emploi des personnes en charge de ce service.
Relevons la consommation électrique avec un mix électrique largement composé de nucléaire qui pose bien d’autres problèmes.
N’oublions pas les nombreuses trottinettes qui encombrent les trottoirs et sont parfois abandonnées dans l’environnement.
2) Recyclabilité
Les éléments qui la composent sont peu ou pas recyclables (lithium, plastique, aluminium …).
Exemple du Lithium : à l’échelle mondiale, environ 1 % seulement du lithium contenu dans les batteries est récupéré. Le recyclage des batteries lithium-ion est énergivore, polluant, générateur de déchets toxiques. (5 & 5’)
… sans compter que la durée de vie moyenne d’une trottinette électrique partagée est de 28 jours. La durée de vie des batteries, est faible : entre 500 et 1 000 rechargements (un usage quotidien de la trottinette sur 20 km de trajet aller-retour implique une durée de vie comprise entre 1 an et demi et 3 ans.
3) Coût
Selon une étude d’octobre 2020 (6) : pour la collectivité, la trottinette électrique en libre-service est le moyen de transport le plus coûteux au kilomètre, comparé à la voiture et le métro par exemple.
4) Temps
Si pour l’usager, la trottinette électrique est un mode de transport coûteux au kilomètre, c’est son accessibilité et sa vitesse qui attirent …
Le gain de temps est-il encore une valeur phare d’une société à repenser ?
5) Electronique et batteries
Tous les moyens de transport possèdent un système embarqué et les trottinettes électriques nécessitent donc des microprocesseurs.
Il faut parfois plus d’un millier d’opérations pour obtenir un circuit intégré (silicium) et des tonnes d’eau (une usine : 156 tonnes d’eau douce, une puce électronique nécessite 100 l d’eau) (7 à 7’’).
Pour mesurer son impact environnemental, l’industrie s’intéresse surtout à ses émissions de CO2 qui ne prend pas en compte d’autres pollutions, tels que les rejets de produits chimiques dans les eaux. L’indicateur MIPS apparu en 1990 (10) a permis de mettre en évidence les dégradations environnementales impliquées dans la production des marchandises et des services. Analyser ce qui entre dans un objet plutôt que ce qui en sort. (8)
Ainsi, un ordinateur de 2 kg mobilise, entre autres, 22 kg de produits chimiques, 240 kg de combustible et 1,5 tonne d’eau claire. Le MIPS d’une puce électronique : 32 kg de matière pour un circuit intégré de 2 grammes, soit un ratio de 16 000/1.
Comme le cobalt, le lithium est contenu dans les batteries. Prenons l’exemple du lithium et de ses impacts (8) :
• Les émissions de CO2 : il faut 15 tonnes de CO2 en moyenne pour produire une tonne de lithium dans le cas de l’exploitation de roches dures et 5 tonnes pour l’exploitation des réservoirs souterrains.
• L’utilisation en eau : 469 m3 d’eau sont nécessaires à la production d’une tonne de lithium. Au Chili, les communautés indigènes et les groupes de défense de l’environnement dénoncent la pression que ces activités exercent sur les ressources en eau douce.
• L’occupation des terres : la production de lithium monopolise 3 124 m2 de terres par tonne produite. Des bassins d’évaporation gigantesques défigurent des paysages entiers.
Rappelons que les batteries impliquent aussi l’exploitation de terres rares.
… sans compter l’exploitation des hommes.
6) Sécurité et traitement des données (9)
Lorsqu’un compte est créé sur une application, le nom, prénom, adresse courriel, adresse postale, numéro de téléphone, coordonnées bancaires, historique de paiements, etc. sont transmis.
Les capteurs de la trottinette permettent de récupérer les données correspondant à vos trajets. Les données transmises par le téléphone mobile peuvent être aussi partagées.
Conclusion :
La trottinette électrique comme la navette autonome (voir l’article sur notre site) cheminent dans le discours ambiant qui confond écologie et capitalisme vert.
Jusqu’à quand la peinture en vert pourra-elle tenir et sa toxicité être ignorée ?
Note 1 : L’empreinte carbone (4)
L’empreinte carbone d’une trottinette intègre les émissions induites sur l’intégralité de son cycle de vie :
• Sa fabrication – avec notamment la batterie étant donné que ce sont des moyens de transport reposant sur l’électricité (extraction des matières premières, pollution d’usine, etc.)
• Son acheminement de son lieu de production à son lieu d’utilisation (avion, camion)
• Son utilisation – en consommant de l’électricité peu propre (par exemple provenant de centrales à charbon), lesquelles émissions sont directement liées au bilan carbone du kWh électrique
Le bilan carbone du kWh d’électricité est variable selon les pays, car ce n’est pas la consommation, mais bien la production d’électricité qui entraîne l’émission de GES. Et ces émissions varient fortement en fonction des modes de production adoptés.
Exemples de l’Ademe : charbon (1038), fuel (704), gaz (406), photovoltaïque (55), géothermie (45), éolienne (7,3), nucléaire (6) et hydraulique retenue (4)
Note 2 : MIPS -Material Input Per Service -unit- Wuppertal Institute en 1990 (10)
C’est la somme les ressources utilisées pour produire une unité de produit ou de service.
Wikipedia : L’ensemble du cycle de vie d’un produit ou d’un service est mesurée lorsque les valeurs MIPS sont calculées. Cela permet de comparer la consommation de ressources de différentes solutions pour produire le même service. Lorsqu’un seul produit est examiné, les calculs MIPS révèlent l’ampleur de l’utilisation des ressources tout au long du cycle de vie …/…
On ne prend en compte que l’input matériel, il s’agit de la première caractéristique importante du MIPS. …/… tout impact sur l’environnement est causé par une extraction de matière qui devient un input dans le processus économique, puis, tôt ou tard, un output sous forme de déchet, d’émission, ou d’eau usée. C’est pourquoi le MIPS n’inclut que les matières entrant dans le cycle de vie d’un produit. Ces dernières constituent donc une sorte de potentiel d’impact sur l’environnement.
Liens :
(1) https://www.arcadis.com/fr-fr/actualites/europe/france/2019/11/arcadis-publie-une-etude-sur-l-impact-environnemental-des-trottinettes-electriques-en-free-floating
https://www.environnement-magazine.fr/mobilite/article/2019/11/26/126882/bilan-carbone-des-trottinettes-electriques-est-plus-eleve-que-celui-des-transports-commun
(2) https://www.francetvinfo.fr/replay-radio/le-billet-vert/les-trottinettes-electriques-alourdissent-le-bilan-carbone-de-paris_4102187.html
(3) https://solidarites-sante.gouv.fr/prevention-en-sante/preserver-sa-sante/article/activite-physique-et-sante
(4) https://www.greenly.earth/blog/empreinte-carbone-velo-trottinette
(5) https://energieetenvironnement.com/2018/07/08/les-limites-pratiques-du-recyclage-des-batteries-au-lithium/
(5’) https://www.lesechos.fr/industrie-services/energie-environnement/les-batteries-qui-senflamment-la-nouvelle-plaie-des-centres-de-tri-et-de-recyclage-1354429?fbclid=IwAR3hGYHg-oTiaIy6RNpefKL3ia-hq39bvtSPAmAd4dWqlLYPHFScsT_D0uQ#xtor=CS1-60-[audience]
(6) https://www.notre-environnement.gouv.fr/IMG/pdf/thema_-_les_trottinettes_electriques_en_libre_service.pdf
CGDD Commissariat Général au Développement Durable
(7) https://www.monde-diplomatique.fr/2021/08/MOROZOV/63399
(7’) https://www.irif.fr/~carton/Enseignement/Architecture/Cours/Production/
(7’’) https://sciencepost.fr/allons-nous-vers-une-penurie-deau-a-cause-des-voitures-electriques/
(8) https://www.ifpenergiesnouvelles.fr/article/lithium-transition-energetique-au-dela-question-des-ressources
(9) https://www.monde-diplomatique.fr/2021/10/PITRON/63595
(10) https://www.econstor.eu/bitstream/10419/59294/1/485276682.pdf
A ceux qui pensent que la trottinette électrique est le nec plus ultra (alors qu’elle ne fait que remplacer la marche à pied …), un petit documentaire qui devrait faire réfléchir : https://www.youtube.com/watch?v=7bh3Z78e68Q.
A force de penser que la technologie va nous sauver ….