Que crève la capitalisme

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Que crève le capitalisme.

Hervé Kempf (2020)

Mes notes de lecture d’un livre vraiment intéressant et très facile à lire.

1. La catastrophe a commencé

L’OCDE ne peut pas imaginer autre chose que la croissance.
Le numérique c’est 4% des émissions de GES (8% en 2027) (Gaz à effet de serre)
Air conditionné c’est 10% de l’énergie mondiale et avec le réchauffement cela va s’accroître.
Au cours des années 1970 le néolibéralisme a pris le pouvoir et la mondialisation a pris son envol.

2. Le capitalisme et les quarante désastreuses.

Le capitalisme est un « phénomène naturel ». En fait : c’est argent et accumulation de capital. C’est une organisation sociale.
Évolution du capitalisme depuis la fin de XVIII :

  • formation de la théorie du libéralisme
  • capitalisme industriel
  • compromis fordiste
  • capitalisme keynésien
  • néolibéralisme
  • capitalisme numérique et policier

Les guerres de religion vont mener au libéralisme :

  • Montesquieu : le libéralisme politique : séparation des pouvoirs et représentation politique de l’ensemble des citoyens.
  • Adam Smith : le libéralisme économique –le capitalisme–
    Les deux s’emboîtent bien pour former le libéralisme. La société est vue comme une collection d’individus concurrents poursuivants leur intérêt propre qui trouvent la paix civile par la règle électorale et la magie du marché.
    La crise de 29 va bousculer ce montage. Les économistes libéraux vont accepter l’intervention de l’état (pour sauver le marché !). Ils vont rester à l’écart quelque temps.
    Après la 2ème guerre mondiale Von Mises, Hayeck et Schumpeter vont vertement critiquer la démocratie parlementaire, néfaste aux marchés.

Dans la moitié du 20 ème s. la théorie économique s’est focalisée sur la monnaie, n’abordant pas l’énergie et les écosystèmes pourtant évoqués au 18ème s (David Ricardo, etc).
Fin des années 1960, baisse régulière du taux de profit –> réaction du capitalisme : la mondialisation (Mexique puis Chine à partir de 1978).

L’expérience jugée réussi du Chili allait nous apprendre que le néolibéralisme c’est le capitalisme sans la démocratie (Hayek à dit en 1981 : je préfère un dictateur libéral à un gouvernement démocratique sans libéralisme).
Avec la fin de L’URSS et la montée du chômage, les capitalistes ont les mains libres. Arrivée de Thatcher et Reagan : rigueur salariale et budgétaire, privatisations, déréglementation, baisse des impôts des entreprises et des très riches.
Conséquence de la mondialisation : un saccage de l’environnement.
Le capitalisme ne peut survivre qu’en détruisant, en externalisant les coûts écologiques et dégâts de la biosphère (coûts supportés par la société).

3. Le choix de l’apartheid planétaire.

Crise 2008-2009, l’État vilipendé par les capitalistes est venu à leur secours. Les riches plus riches que jamais. Le capitalisme s’est ré-armé idéologiquement.
En 1990 arrivée d’internet. En 95 énorme masse de capital pour les introductions en bourse des firmes émergentes l’exemple Netscape 17 M de chiffres d’affaires, valorisée à 2,1 Mrds de $. Frénésie boursière jusqu’en mars 2000. Bulle.
En 2010 arrivée de l’IA. IA + ordinateurs + données utilisateurs –> naissance d’un nouveau régime technologique : tous les problèmes seront résolus par la technologie. La machine à profit est relancée. Et les projets les plus fous voient le jour : Elon Musk et Bezos (vie extra-terrestre, etc)
Et se dessine la conception inégalitaire de ce milieu de technophiles : une vie low cost pour la majorité, une vie d’opulence pour l’élite qui va diriger. Donc séparation, donc apartheid. Domination et mépris !

4. Le capitalisme policier.

L’esclavage de 1500 à 1900, le génocide des amérindiens, la colonisation, répression du mouvement ouvrier (la Commune de Paris entre autres), Chili en 73, violence et brutalités contre les autochtones d’Amérique du sud, répression contre mouvements écologistes etc. que de violences !
En 1970 outre Atlantique : dépenses sécurité = dépenses sociales (1%), en 2019 c’est 2% (sécurité) et 0,8% (sociale).
Une autre raison de l’augmentation de la répression et du contrôle : changement climatique et migration.
Contrôle des révoltes sociales :

  • renforcement de l’arsenal d’armes non létales,
  • interventionniste des forces de police,
  • lois de contrôle et surveillance, et augmentation considérable du taux d’incarcération.
    Aujourd’hui il est plus facile de surveiller un individu (commerces, identités, activités, réseaux sociaux, etc) et d’en dégager un profil offrant la possibilité d’agir sur lui ou de l’influencer. Utilisation des outils de la biométrie : caractéristiques biologiques, voix, reconnaissance facile. Voir la Chine et le crédit social.
    Importance des médias pour faire accepter ces mécanismes de contrôle. Quant aux réseaux sociaux, ils ne veulent pas contrôler, mais influencer, manipuler pour des comportements profitables.

Nous sommes entrés dans un régime oligarchique. Nous ne sommes pas dans un capitalisme fasciste, mais un capitalisme policier, un capitalisme de l’apartheid.

5. Le capitalisme dans les têtes.

40 ans de néolibéralisme ont totalement imprégné nos esprits : conséquence, il est plus facile d’imaginer la fin du monde que celle du capitalisme !
Il faut changer cela. Ça va être difficile, le capitalisme étant perçu comme l’état naturel de la société.
Comment faire ? Se poser les questions suivantes :

  • suis-je animé par mon seul intérêt personnel ?
  • suis-je disposé à piétiner mon collègue pour obtenir une meilleure place que lui ?
  • suis-je insensible à la publicité ?
  • qu’est ce qui est le plus utile : un climatologue ou un trader, un instituteur ou un crs ?
  • est-il plus prometteur d’aller sur Mars ou de réduire les GES ?

Si toutes les réponses ne sont pas positives, c’est bon.
Privilégions l’opposé du capitalisme : le collectif plutôt que l’individualisme, la coopération plutôt que la compétition, le don plutôt que le marché, sobriété plutôt que gaspillage, partage plutôt qu’accumulation, travail bien fait plutôt que performance, etc.

  • Contre les inégalités une fiscalité des hauts revenus
  • contre les externalités un nouveau système de coût,
  • contre l’extraction des ressources le recyclage
  • contre l’appropriation privée la gestion des biens collectifs,
  • etc
    Pas besoin de tourner autour du pot, on sait ce qu’il faut faire.

La dette mondiale : 230 000 Mrds $ soit 3 fois le PIB mondial. Le remboursement de la dette nécessite de la croissance pour payer les intérêts, sinon il y a appauvrissement.

La logique de sobriété (pour diminuer CO2) ne peut se disjoindre d’une politique sociale, en effet les riches polluent plus (le 10% les plus riches : 31 tonnes de CO2, les 50% les plus pauvres : 7 tonnes).

Deux mécanismes :

  • intégrer les externalités négatives dans les coûts de production
  • sobriété sur les aliments agro-industriels

6. La stratégie de l’archipel

On est passé de la chute du capitalisme par une révolution à celui de la chute par chocs successifs provoqués par l’excès de prédation. Et pourtant le capitalisme profite des désastres. Les mouvements sociaux sont de plus en plus nombreux. Mais les capitalistes vont résister de toute la puissance de leurs moyens.
Point Goulag : dès que l’on propose les premières mesures visant à limiter la richesse ou la pollution, la probabilité d’avoir une réponse parlant d’union soviétique ou de communisme se rapproche de 1.

Faire son deuil d’un possible compromis avec le système. Avoir une position radicale et fuir les porte-parole dont le motif se résume à « la situation de la planète est dramatique, il faut tous nous unir pour faire quelque chose ». Ce discours convient tout à fait aux capitalistes qui les détournent de leur responsabilité dans la catastrophe. Aurelien Barrau et Nicolas Hulot se situent exactement dans cette approche. Il faut tourner la page de cette écologie collaborationniste.
Il faut désigner les responsables (personnes, institutions et groupes) et entrer en guerre contre le capitalisme.

Pour lutter les capitalistes œuvrent à briser le rapprochement entre radicaux et blocs modérés. Voir la stratégie de Raphaël Pagan :

  1. Dialogue avec les opposants
  2. Discussion loin de l’espace public
  3. Donner aux opposants un os à ronger
  4. Coopérer avec une ong, parler leur langage, etc
  5. Disqualifier les radicaux
  6. Donner une bonne image d’une ong collaborative.

Déjà connaître cette tactique, bien identifier l’adversaire et ne jamais le traiter en partenaire. Faire connaître, expliquer, nouer des alliances, faire masse.
Question de fond : qu’est ce qui est le plus important pour résoudre la crise climatique ? Réponse : remettre en cause la circulation des capitaux.
Promouvoir la low tech et la science participative, s’opposer aux techniques de contrôle numériques.
Reconstruire des groupes, des collectifs, face à l’individualisation de la société. Il faut mener des attaques incessantes et tout azimut.
Beaucoup d’actions non violentes, mais est-ce suffisant ? Andreas Malm observe qu’aucune grande lutte dans l’histoire ne s’est gagnée par la seule non-violence. C’est l’oppresseur qui définit la nature de la lutte (Mandela). Il faut donc en arriver au sabotage (il ralentit, freine, entrave le système) sans atteinte à la vie humaine, mais uniquement à la propriété privée.

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